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Nos préfèrences alimentaires sont-elles sous influence ? Commenter

Zoom sur l’analyse du Pr. Olivier Corneille, psychologue à l’UCL, dont le dernier ouvrage paru s’intitule "Nos préférences sous influence".

Contrairement à ce que l’on croit souvent, gagner ou perdre des kilos est loin d’être uniquement une question d’attitudes individuelles, auxquelles s’ajouterait (dans le cas d’une perte de poids) un zeste de volonté. Ce serait bien trop simple ! Détricoter les normes de poids et de minceur, les préjugés et les croyances, sans moraliser ni juger... voilà une piste ! Mais cette approche passe aussi par un certain décryptage de nos comportements alimentaires.

Entre malbouffe et santé, nos coeurs (et nos assiettes) balancent !

"Nous sommes placés entre un objectif hédonique à court terme et un objectif de santé à long terme. Il est difficile de résister à l’appel du premier, qui procure des plaisirs certains et immédiats. Une série de recherches actuelles portent sur la régulation de soi, sur les moyens de résister à nos envies et nos tentations, ou sur les moyens de les réguler. Pourtant, je ne suis pas persuadé qu’il s’agisse de la voie la plus prometteuse à suivre. En effet, elle tend à nous épuiser et à nous culpabiliser de nos échecs répétés. En conséquence, elle diminue souvent notre estime de soi et notre sentiment de contrôle. Cette optique s’apparente aussi à celle qui nous pousse à tomber dans le cycle des régimes. Dans une immense majorité des cas, ils ne marchent pas, et nous le savons, mais... nous les adoptons quand-même".

Une piste possible serait alors d’agir sur le contexte, sur cet environnement qui nous pousse à acheter et/ou à consommer. Cela signifie qu’il s’agit aussi, pour tout le monde, de mieux connaître et d’identifier de quelles manières on trompe nos cerveaux pour mieux contrôler nos comportements.

"Ainsi, en matière de poids, l’information préventive ne suffit pas. Parce que, la plupart du temps, elle individualise les questions au lieu de les inscrire dans une réflexion qui prenne en compte le poids du contexte économique, social et culturel dans lequel baignent nos rapports à la nourriture et au corps. Elle ne suffit pas non plus car elle inscrit la rationalité comme principe alors que notre psychisme l’ignore. Donc clairement, c’est bien notre rapport à l’alimentation qui doit être interrogé. Savoir qu’il faut manger 5 fruits et légumes et que cela sera plus sain que de manger des chips n’empêche pas d’acheter et de dévorer ces derniers aliments.
Pour faire changer les choses, il s’agit de parvenir à jouer sur le contexte immédiat de l’achat ou de la consommation effective ."

"En réalité, nos comportements alimentaires témoignent d’une rationalité très limitée. Ils sont largement automatiques et largement contaminés par des jugements ’défectueux’". Par exemple, lorsqu’on nous sert une belle grande assiette bien remplie, nous imaginons - à tort - que la quantité proposée est adaptée et conforme à nos besoins. Dès lors, au lieu de porter notre attention sur notre sentiment de faim (ou de satiété), nous terminons bien "sagement" notre plat, l’esprit tranquille".

Par ailleurs, les assiettes actuelles sont, en moyenne, 44% plus grandes que celles utilisées il y a une quarantaine d’années. Un certain nombre d’effets psychophysiques nous empêchent de bien appréhender les quantités que l’on nous sert. Par exemple, nos cerveaux vont être trompés par l’augmentation de la taille de récipients de pop-corn : contrairement à ce qu’elle imagine, la personne ne parvient pas à calculer correctement la quantité servie, et à réaliser que dans certains cas, elle se retrouve avec jusqu’à 75 % de produit en plus !

Comment le consommateur peut-il « faire autrement », sans tomber dans les restrictions, les troubles alimentaires, les oublis du caractère convivial et social de l’alimentation ?

"Connaître les pièges qui balisent le chemin permet de mieux les éviter.
Se concentrer sur ses expériences sensorielles peut être une piste. En effet, paradoxalement, lorsqu’une personne apprend à se concentrer sur le plaisir que lui apportent des produits hédoniques... elle est amenée à choisir de plus petites portions et à en attendre plus de plaisir.
Une expérience l’a montré : quand on demande à des enfants d’imaginer leur plaisir à manger des produits chocolatés, ils optent ensuite pour de plus petites portions. En fait, la courbe de satiété et celle du plaisir sont inversées. Le plaisir est à son pic lors des premières bouchées. En revanche, il n’augmente plus très significativement lors des 50, 100 ou 150 grammes supplémentaires que l’on avale ensuite. En cadrant le choix au sein d’une expérience plus sensorielle, il devient donc possible de modifier les comportements".

En plus de mieux comprendre notre fonctionnement, le Pr. Corneille évoque également l’importance de s’assurer de l’adéquation des messages de prévention ou d’éducation. L’objectif ? Que le contenu des messages transmis touche bien sa cible, et de manière efficace. Si une personne imagine qu’en prenant, en plus de son hamburger, une salade elle « rachète » celui-ci et s’autorise donc une portion de frites en plus, le message est raté !
Il s’agit de rendre possible un autre regard sur nos façons de manger et de consommer, de nous regarder et d’accepter les différences et les imperfections, de lâcher un peu le contrôle et de redécouvrir le bien-être. Cesser de faire croire aux mangeurs qu’eux seuls sont responsables des désordres alimentaires.

Interview complète disponible dans le dossier de campagne de Voyons Large, sur www.voyonslarge.be

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Publié le 4 octobre 2016 | par Manger Bouger |
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