Stress et activité physique ne font pas bon ménage chez les étudiants
Il est maintenant bien démontré qu’une activité physique régulière contribue à la santé des personnes et devrait être, autant que possible, intégrée dans le quotidien de chacun. En effet, pratiquer régulièrement une activité physique est associée à un meilleur état de santé et de bien-être, et cela à tous les âges de la vie [1]. Pourtant, dès l’adolescence la pratique de l’activité physique diminue, et, cette diminution est encore aussi importante lors du passage à l’université [2].
Le début des études supérieures est une période de changements important dans la vie des jeunes adultes : indépendance vis-à-vis des parents qui s’affirme, départ du foyer familial pour certains, nouvelles responsabilités financières, nouvelles méthodes d’apprentissage (cours, examen), etc. Si cette transition comporte des découvertes et des accomplissements, alors cela peut également être une source de stress chez les étudiants. Ils ne trouvent dès lors pas forcément le temps, les moyens ou l’envie de pratiquer une activité physique régulière.
Or, d’après la littérature scientifique, il existe une relation probante entre le niveau d’activité physique et le stress chez les étudiants. Cette relation serait bidirectionnelle :
1) les étudiants les plus actifs ont tendance à être les moins stressés, et 2) les étudiants les moins stressés ont tendance à être plus actifs [3] [4]. D’une part, le fait de pratiquer une activité physique modérée à intense permettrait, entre autres, de réduire les marqueurs inflammatoires associés au stress comme le cortisol, et de stimuler la production d’endorphines menant à une sensation de bien-être émotionnel [5]. D’autre part, le fait d’être stressé est un frein à la pratique d’une activité physique régulière [3].
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande une pratique régulière de l’activité physique et de limiter les temps sédentaires [6]. Les recommandations concernant l’activité physique pour les adultes sont :
• Au moins 150 à 300 minutes d’activité physique d’intensité modérée par semaine
ou
• Au moins 75 à 150 minutes d’activité physique d’intensité soutenue par semaine
et
• Des activités de renforcement musculaire d’intensité modérée à soutenue au moins deux fois par semaine.
En Belgique en 2018, moins de 50% des jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans pratiquaient au moins 150 minutes d’activité physique d’intensité modérée [7]. A cause de la pandémie de Covid-19, ces niveaux d’activité physique auraient diminué, alors que les niveaux de stress auraient augmenté, parmi les étudiants [8] comme en population générale [9] [10]. Au printemps 2021, environ 7 étudiants sur 10 de l’ULB et de l’UCLouvain déclaraient être « beaucoup » ou « fortement » stressés [11].
Par contre, il existe actuellement peu d’informations sur les effets à moyen terme de cette crise, sur le stress, et ses conséquences éventuelles sur la pratique de l’activité physique des étudiants. C’est pourquoi, l’objectif de cette étude* était d’analyser dans quelle mesure la pratique d’une activité physique favorable à la santé variait selon les niveaux de stress des étudiants à l’ULB en 2022.
En 2022, la pratique d’activité physique est insuffisante et les niveaux de stress sont élevés chez les étudiants
Dans cette étude, plus de la moitié de l’échantillon étaient des femmes (59,3 %). Environ un tiers des répondants (35,3 %) avait un niveau d’activité physique favorable à la santé, ce qui est inférieur à ce qui était observé chez les jeunes adultes en population générale (étudiants ou non) en 2018 en Belgique [7].
Aussi, plus d’un quart des étudiants déclaraient, en 2022, être « beaucoup » (26,6 %) ou « fortement » (26,2 %) stressés. Ces résultats étaient inférieurs à ceux rapportés en 2021 à la même période de l’année chez les étudiants de l’ULB, avec, au total, environ 50% des étudiants concernés en 2022, contre 7 sur 10 en 2021. Ce constat pourrait être, entre autres, lié à l’assouplissement des règles sanitaires en vigueur au printemps 2022. Bien que nous n’ayons pas de données sur les niveaux de stress chez les étudiants à l’ULB avant à la crise sanitaire, plusieurs études indiquent un niveau de stress plus faible avant la pandémie de Covid-19 [12].
Les étudiants les moins stressés sont les plus actifs
Globalement, au plus les étudiants avaient un niveau de stress élevé, au moins ils avaient un niveau d’activité physique favorable à la santé (Figure 1).
Figure 1 : Activité physique favorable à la santé des étudiants de l’ULB (%) selon leur niveau de stress
Après ajustement pour les caractéristiques sociodémographiques, ceux n’étant « pas du tout » à « moyennement » stressés étaient plus enclins à avoir un niveau d’activité physique favorable à la santé comparés à ceux déclarant être « fortement » stressés. Par contre, ceux ayant déclaré être « beaucoup » stressés étaient susceptibles d’avoir un niveau d’activité physique favorable à la santé de façon comparable à ceux étant « fortement » stressés.
Cette relation entre le stress et l’activité physique favorable à la santé était en fait retrouvée chez les hommes mais pas chez les femmes (Figure 2). En effet, chez les hommes, la proportion d’étudiants ayant une pratique d’activité physique favorable à la santé était la plus élevée parmi ceux ayant déclaré être « pas du tout, un peu ou moyennement » stressés, et la plus faible chez ceux étant « fortement » stressés. Chez les étudiantes, la pratique d’une activité physique favorable à la santé était similaire quel que soit le niveau de stress (Figure 2).
Figure 2 : Activité physique favorable à la santé des étudiants de l’ULB (%) selon leur niveau de stress, chez les hommes et les femmes séparément
Notons aussi, que la proportion d’étudiantes pratiquant une activité physique favorable à la santé était globalement beaucoup plus faible que celle des étudiants masculins : les hommes (48,5 %) étaient environ deux fois plus nombreux à avoir un niveau d’activité physique favorable à la santé que les femmes (26,1 %).
Des particularités aussi selon le niveau d’étude
Les étudiants en 1ère année de bachelier (39,1%) et en 2e-3e années de bachelier (38,8%) étaient nombreux à atteindre un niveau d’activité physique favorable à la santé comparés aux étudiants en master (31,3%).
Les tendances décrites dans la Figure 1 étaient également observées chez les étudiants en bachelier et en master, mais de façon plus importante chez les étudiants en 2e et 3e années de bachelier (Figure 3). Chez les étudiants en 1ère année de bachelier et en master, bien que ces tendances se dessinent graphiquement, l’association entre l’activité physique et le stress n’était pas statistiquement significative. Ceci est notamment dû à une perte de puissance statistique liée aux faibles effectifs obtenus lorsque l’échantillon est divisé en sous-groupes.
Figure 3 : Activité physique favorable à la santé des étudiants de l’ULB (%) selon leur niveau de stress, séparément selon leur niveau d’étude
Pour conclure et aller plus loin…
Cette enquête est transversale, c’est-à-dire que les données d’activité physique et de stress ont été récoltées à une même période (printemps 2022). Il n’est donc pas possible de déterminer de lien de cause à effet. La présentation de ces différences reste cependant informative car comme évoqué précédemment, la relation entre activité physique et stress est bidirectionnelle [3]. D’une part, l’activité physique peut agir sur le stress en permettant de réduire et de mieux faire face à ses symptômes, et d’autre part, ressentir du stress est un frein majeur à la pratique d’activité physique. En effet, le stress engendrerait une perte de motivation et de confiance en soi, leviers pourtant importants pour la pratique d’une activité physique régulière. Et ce, alors que les étudiants font face à de nombreux autres freins pour pratiquer une activité physique suffisante, notamment contextuels (accès aux infrastructures, sécurité, temps à consacrer aux études, coût…), psychosociaux (soutien familial, support social…) ou autres (connaissance de l’offre, blessures…) [13].
Globalement, d’après cette enquête, les niveaux d’activité physique des étudiants à ULB étaient assez faibles, tandis que les niveaux de stress restaient importants, même après la levée des mesures contre la pandémie de Covid-19. Ces résultats mettent en évidence la nécessité de développer des actions de promotion de la santé ciblées vers les étudiants à l’université. Ils permettent également d’informer les acteurs de promotion de la santé sur les enjeux liés à l’association entre l’activité physique et le stress. Vu les bienfaits d’une activité physique suffisante pour la santé, tant physique que mentale, il est plus important que jamais de continuer à la promouvoir, en particulier aux périodes de la vie très stressantes, comme lors des études supérieures.
*Les données présentées sont celles de 1 754 étudiants de l’ULB ayant participé, au printemps 2022, à l’enquête sur l’alimentation et l’activité physique, menée en collaboration avec l’Observatoire de la Vie Étudiante (OVE). Les données ont été récoltées par un questionnaire en ligne en utilisant des outils de mesure du stress et de l’activité physique dont la validité et la fiabilité ont été démontrées auprès de la population étudiante [14] [15].
Article rédigé par Emma Holmberg, chercheuse au Service d’Information, Promotion, Éducation Santé (SIPES), École de Santé Publique, Université libre de Bruxelles (ULB)